vendredi 19 juin 2015

Comment la Grèce en est-elle arrivée là ? Quelques éléments de réponse pour comprendre la crise de la dette européenne


Les causes de la crise

Le Premier Ministre Georges PAPANDREOU découvre un déficit de 12,9% et une dette publique équivalente à 115% du PIB en arrivant au pouvoir en Octobre 2009, situation catastrophique due à ses prédécesseurs qui ont triché durant de nombreuses années en déclarant un déficit bien en-deçà de la réalité, résultat d'une fraude fiscale massive, d'une économie souterraine qui représente un cinquième du PIB, et de dépenses publiques bien supérieures aux moyens de l'Etat.

Les Grecs descendent dans la rue : pris à la gorge par les dettes, et la Banque centrale européenne (gardienne de la zone euro) demandant des efforts budgétaires aux Européens qui ne parviennent pas à régler la crise "en interne", le Fonds monétaire international (FMI) est appelé à la rescousse en 2010 pour apporter son expertise dans la négociation d'un plan de redressement : déblocage d'une aide financière de 110 milliards sur trois ans en contrepartie de l'application d'un plan d'austérité drastique pour réduire le déficit public de 30 milliards d'euros à l'horizon 2014.
Le pouvoir exécutif s'engage alors à ramener son déficit public à 8,7% pour fin 2010.

Malgré ce plan d'austérité drastique (qui inclue une réforme des retraites, des coupes aux salaires des fonctionnaires, une hausse de la TVA, et une lutte contre l'évasion fiscale) qui a réduit le déficit de cinq points en 2010 à 10,5% du PIB, la Grèce ne parvient toujours pas à convaincre qu'elle est sur la voie du rétablissement budgétaire et le FMI exige qu'Athènes adopte de nouvelles mesures d'austérité (privatisation à hauteur de 50 milliards d'euros d'ici 2015) avant d'accorder une nouvelle tranche de prêt de 12 milliards d'euros en Juillet.

Les plans d'aide à la Grèce

Le 2 Mai 2010, l'Union Européenne et le FMI donnent leur accord pour un plan de sauvetage commun s'élevant à un montant total de 110 milliards d'euros sur 3 ans, un montant sans précédent dans le monde qui doit permettre à la Grèce de faire face à ses obligations.
Dès la première année, la Grèce perçoit 45 milliards d'euros de prêts. En contrepartie, Athènes doit adopter un plan de rigueur drastique aux conséquences très lourdes pour la population car il prévoit notamment la suppression des 13e et 14e mois de salaire dans la fonction publique et une nouvelle hausse d'un à deux points de la TVA (21% actuellement) ce qui représente des économies de 30 milliards d'euros visant à ramener le déficit public de la Grèce sous les 3% du produit intérieur brut (PIB) d'ici à la fin 2014.

Le 3 Juin 2011 Athènes obtient un feu vert conditionnel au versement début Juillet d'une nouvelle tranche de prêts sur l'enveloppe de 110 milliards d'euros décidée. Le 2 juillet les ministres des Finances de la zone euro ont donné leur feu vert au versement de 8,7 milliards d'euros pour l'aider à rembourser sa dette à partir de mi-Juillet. Le déblocage d'une nouvelle tranche doit être à l'ordre du jour dès Septembre. En contrepartie, le gouvernement socialiste grec doit renforcer l'austérité et accélérer les privatisations. Il prévoit 6,4 milliards d'euros d'économies supplémentaires en 2011 et 22 milliards d'ici 2015. Sans compter un programme de privatisations de l'ordre de 50 milliards.

La Grèce se voit également promettre une nouvelle aide financière de la zone euro. Le montant de ce nouveau plan n'a pas encore été fixé, il viendra s'ajouter au 110 milliards. Si le chiffre de 60 milliards a été à de nombreuses reprises évoqué, il pourrait être de 100 milliards. Tout l'enjeu du sommet de Bruxelles est de s'accorder sur ce nouveau plan d'aide. 

Dans un rapport annuel sur la zone euro publié récemment, le FMI a sévèrement critiqué la gestion de la crise par les dirigeants européens, pointant du doigt l'absence de plan d'action cohérent pour la suite, et ses possibles conséquences désastreuses pour l'économie mondiale.

Quels scénarios pour une sortie de crise ?

Plusieurs scénarios sont plus ou moins applicables pour la Grèce qui doit rembourser de 80 à 90 milliards d'euros à ses créanciers :
  • le rééchelonnement des remboursements propose aux créanciers privés d'échanger les obligations d'Etat grecques en circulation contre des obligations à maturité rallongées de sept ans,
  • le renouvellement des prêts, connu également sous le nom de processus de "rollover" ou "processus de Vienne", consiste pour les créanciers qui le souhaitent à maintenir leurs engagements,
  • le refinancement consiste à faire de nouveau appel à des fonds du FMI, au Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) ou à des prêts bilatéraux pour couvrir les besoins de la Grèce en échange d'engagements stricts d'Athènes,
  • le rachat de la dette : les pays de la zone euro pourraient prêter de l'argent à la Grèce, via le FESF pour lui permettre de racheter une partie de sa dette sur les marchés en profitant des prix très bas,
  • la sortie de la zone euro qui pourrait entraîner d'autres pays fragiles dans son sillage, solution défendue notamment par certains économistes américains,
  • la taxe bancaire, idées suggérée par Paris, qui aurait l'avantage de faire participer le secteur privé au deuxième plan d'aide à la Grèce sans entraîner un "défaut" de paiement, mais les banques voient d'un très mauvais œil toute nouvelle taxe.

Parmi tous ces scénarios envisagés, le défaut de la dette reste la crainte absolue en raison de son effet contagieux : les marchés financiers parient sur une telle conclusion, misant sur l'incapacité de la Grèce à rembourser l'intégralité de sa dette de plus de 350 milliards d'euros et sur une nécessaire restructuration.

Faut-il craindre une contagion à d'autre pays de la zone euro ?

La zone euro veut impérativement stopper l'hémorragie : en effet, une faillite de la Grèce menacerait l'Union européenne toute entière et l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et l'Italie sont déjà dans le collimateur.

Selon Dexia AM, les besoins de financements cumulés de la Grèce, du Portugal et de l'Irlande se chiffrent à 201 milliards d'euros. La plupart des analystes craignent l'effet en chaîne d'un défaut de paiement de la Grèce et le compare à un krach équivalant à celui de la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008. Cette contagion pourrait se faire via les banques les plus exposées à la dette grecque et à celle des autres pays européens.

Depuis le début de la crise grecque, l'Allemagne joue à contre-courant en Europe, traînant des pieds dans la mise en place de nouveaux outils communautaires pour venir en aide à Athènes : elle condamne les dérives grecques et pousse le pays à remplir ses obligations. 
L'Allemagne s'est toutefois mise d'accord avec la France pour dégager une "position commune" sur le sauvetage de la Grèce.


Par Moncef MZABI

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire